J'aime la vie que je mène : je me sens bien dans mon métier d'enseignante, j'ai la chance d'avoir une famille unie et des amis fidèles, je suis la maman d'un petit monstre aussi infernal qu'adorable et je n'échangerais mon yéti pour rien au monde.
Et pourtant...
Entre les études et les jeux, mon cœur balance depuis toujours. A mes yeux, les deux génèrent du plaisir, ils font grandir, ils ouvrent l'esprit et déploient les ailes… En classe, chaque jour, j'invite mes élèves à entrer dans mon univers, à s'approprier des savoirs, à se mettre en chemin vers l'adulte qu'ils deviendront. Or, la tentation est grande de passer de l'autre côté du miroir. Et si moi, j'entrais dans leur univers, avec humilité ? Si je me mettais en chemin vers l'enfant que j'étais et qui me manque parfois ?
Une visite à l'improviste, une conversation. Une amie attentive qui met des mots sur les ressentis : "petite flamme qui vacille", "confiance en soi", "talent", "épanouissement",... Je rougis mais j'entends. Et ça sonne juste. Le mot "événementiel" est lâché. Il me plaît. Il me rapproche de mon frère, de l'univers des artistes que j'admire tant, de ces atmosphères d'un soir qui me grisent et que j'adore orchestrer.
La vie poursuit son cours mais les mots font leur chemin souterrain.
S'imposent alors progressivement des petites phrases qui résonnent du fond de ma mémoire : "Est-ce que je pourrais venir un jour chez toi pour apprendre à faire des galets peints ?", "Le p'tit n'est pas souvent demandeur, c'est plutôt mon coup de cœur que le sien", "Dis, tu penserais pas à faire carrière là-dedans ? T'es vraiment douée !" "Madame, vous êtes notre titulaire mais vous êtes aussi un peu comme une maman", "Ce que tu viens de faire, ça vaut tous les cadeaux d'anniversaire !" "Je crois que pour ça, je pourrais peut-être un jour quitter l'enseignement", "Dans la vie, on peut se découvrir d'autres fertilités", ...
Puis, un jour, le déclic. Lors d'un salon, mon fils et son amie s'arrêtent au stand de grimage. Quel bonheur dans leurs yeux ! Qu'ils sont beaux ! Oh, j'aimerais, moi aussi,... Et la dame... Comme elle, il me semble que je pourrais... Mon cœur de maman et mon cœur d'enfant vibrent à l'unisson.
Dès lors, toutes les pièces du puzzle vont s'emboiter sans effort. La danse, l'option "arts" à l'école, le théâtre, les innombrables déguisements, les chasses au trésor de Pâques, les marchés artisanaux, Flammes, RMS, les soirées à thème, les soirées-jeux, les soirées-loups, les inévitables quiz, les albums photos, le kamishibai,... Chaque élément prend sens en un tout cohérent qui m'avait complètement échappé jusque-là. Voilà que tous mes grains de folie s'en trouvent comme légitimés.
Et c'est ainsi qu'une fille qui se croyait totalement dépourvue d'ambition et d'esprit d'entreprise se retrouve là, à découvrir comment réaliser un site Internet pour mettre en avant ses compétences et vivre plus intensément ses passions.
Alors, aventure de six semaines, de six mois ou de six ans ? Vais-je réussir à concilier ma vie de famille et cette nouvelle activité ? Est-ce que je vais aimer ? Est-ce que je serai à la hauteur ? A ce stade, je n'ai aucune certitude. Je ne sais pas si les parents vont adhérer à ce que je propose, je ne sais pas si les enfants seront conquis par mes grimages et mes animations. Quoi qu'il en soit, en attendant, je m'éclate. Et si par bonheur, il m'arrive quelquefois de faire naître des étoiles dans les yeux de mes jolies princesses, de mes gentils pirates ou de mon petit dragon... en fait, j'aurai déjà tout gagné !